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Rachat par une société de ses propres titres : les conséquences de la réforme fiscale, les risques d'abus de droit

Rachat par une société de ses propres titres : les conséquences de la réforme fiscale, les risques d'abus de droit

Depuis le 1er janvier 2015, le régime fiscal des sommes reçues par les actionnaires dans le cadre d'un rachat par une société de ses propres titres prévoit leur taxation selon le seul régime des plus-values.

Cette mesure fait suite à une décision du Conseil constitutionnel (Cons. const. 20-6-2014 n° 2014-404 QPC) ayant censuré la différence de traitement fiscal des sommes reçues par les associés personnes physiques à l'occasion d'un rachat selon la procédure utilisée.

Auparavant, lorsque le rachat était effectué en vue d'une réduction de capital non motivée par des pertes, les sommes attribuées à l'actionnaire étaient soumises à un régime de taxation hybride associant impôt sur les revenus distribués et impôt sur les plus-values. Ce régime s’avérait donc fortement pénalisant d’un point de vue fiscal.

  • Un nouveau régime de taxation très avantageux…

Désormais, les sommes attribuées à raison d'un rachat effectué aux associés ou actionnaires détenant les titres dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé relèvent du seul régime des plus-values de cession de valeurs mobilières visé à l'article 150-0 A du CGI.

Le gain net est égal à la différence entre le montant du remboursement et le prix ou la valeur d'acquisition ou de souscription des titres rachetés.

Cette plus-value est intégralement soumise aux prélèvements sociaux au taux de 15,5%.

Mais pour le calcul de l’impôt sur le revenu, ce gain est réduit d'un abattement pour durée de détention et est ensuite soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu.

L’abattement pour durée de détention s’élève à 85% lorsque les conditions suivantes sont respectées :

  • les actions doivent être détenues depuis plus de huit ans,

  • la société dont les titres sont rachetés doit être une PME créée depuis moins de dix ans à la date de souscription ou d’acquisition des titres et ne pas être issues d’une restructuration, concentration, extension ou reprise d’activités préexistantes,

  • la société doit être passible de l’impôt sur les sociétés et avoir son siège social dans un Etat de l’Espace économique européen,

  • elle doit exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier (holding non animatrice). Pour les holdings animatrices, ces conditions doivent être respectées tant par la société holding que par chacune des sociétés du groupe.

L’application du régime des plus-values mobilières, grâce aux abattements pour durée de détention, s’avère donc plus favorable que celui des dividendes en matière d’impôt sur le revenu.

En outre, s’agissant des gérants de SARL, les plus-values donnent lieu aux prélèvements sociaux de 15,50% alors que l’imposition selon le régime des dividendes aurait entraîné l’assujettissement aux cotisations sociales du travailleur indépendant.

  • … à condition de bien évaluer les risques en matière d’abus de droit…

La procédure d'abus de droit permet à l'administration d'écarter certains actes comme ne lui étant pas opposables. En application de l’article L 64 du LPF, sont visés :

  • les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation),

  • les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (abus de droit par fraude à la loi).

Ces dispositions sanctionnent la simulation ou la fraude. En revanche, elles n'interdisent pas à un contribuable d'exercer une option offerte par la loi fiscale.

L'abus de droit est sanctionné par l'application de l'intérêt de retard (9% par an) et d'une majoration égale à 80 % des droits mis à la charge du contribuable lorsqu'il est établi que celui-ci a eu l'initiative principale des actes abusifs ou en a été le principal bénéficiaire et à 40 % lorsque cette preuve n'est pas apportée. Toutes les parties à l'acte sont tenues solidairement avec le contribuable au paiement de l'intérêt de retard et de la majoration.

En cas de contrôle de l’opération de rachat suivie d’une réduction de capital, l’administration fiscale sera donc amenée à analyser les objectifs poursuivis par la société et les conditions dans lesquelles l’opération sera réalisée.

Compte tenu du caractère récent de la modification du régime fiscal du rachat par une société de ses propres titres, l’administration ne s’est  pas encore prononcée sur le caractère abusif de ce type d’opérations.

Mais plusieurs éléments peuvent attirer son attention :

  • l’appréhension de la trésorerie de la société par les actionnaires

Le Conseil d’Etat a, à plusieurs reprises, confirmé l’abus de droit dans le cadre d’opérations qui, sous l’apparence d’une cession de titres, avaient en réalité permis aux associés d’appréhender les liquidités de la société. Le Conseil d’Etat a considéré que le montage litigieux avait permis, dans un but exclusivement fiscal, une appréhension de liquidités ayant la nature d’une distribution irrégulière de revenus.

Dans ces décisions, le Conseil d’Etat juge que la requalification de plus-values (cessions de titres) en revenus distribués (distribution des liquidités) entre bien dans le champ d’application de l’article L 64 du LPF.

Il est donc nécessaire de justifier l’opération par des motifs autres que fiscaux (juridiques, économiques, etc) pour éviter la requalification en abus de droit.

C’est le cas, par exemple de manière indiscutable :

  1. lorsque les associés minoritaires souhaitent sortir du capital à des conditions correctes ;
  2. ou, dans les sociétés familiales comptant de nombreux actionnaires, en vue du reclassement des titres ;
  • la trésorerie excessive et non nécessaire à l’exploitation

Il faut également envisager le cas de sociétés détenant une trésorerie pléthorique et non nécessaire à l’exploitation, ce qui peut poser problème pour la transmission de l’entreprise. Dans l’hypothèse d’une cession proche, on pourrait dès lors prévoir des réductions de capital au profit du dirigeant actionnaire afin d’assainir la situation économique de la société.

  • la donation déguisée

Par ailleurs, le risque d’une requalification en donation déguisée au profit des enfants n’est pas à exclure.

En effet, le rachat d’actions suivi de leur annulation entraîne la dilution de l’actionnaire concerné au profit des autres actionnaires ayant renoncé à l’opération. Dans le cadre d’une entreprise familiale, l’opération permet donc indirectement de transmettre le patrimoine professionnel à ses enfants sans régler aucun droit de donation.

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Si la nouvelle réglementation en matière de rachat de titres n’est plus pénalisante d’un point de vue fiscal, cette opération doit toutefois s’inscrire dans un contexte plus large que celui de l’économie fiscale pour éviter l’écueil de l’abus de droit.

Il est par conséquent prudent de ne pas réitérer ces opérations trop souvent, en lieu et place des distributions de dividendes, et de rester raisonnable quant au pourcentage d’actions rachetées.

  • … et de tenir compte des conséquences en matière d’ISF

A l’issue de l’opération, la valeur du patrimoine professionnel exonéré d’ISF s’est réduite.

En revanche, les liquidités appréhendées entrent dans le patrimoine privé et, de ce fait, dans le champ d’application de l’ISF. L’augmentation de ce patrimoine taxable entraîne un coût annuel supplémentaire qu’il convient d’évaluer.

Publié le 22/10/2015

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